Je vous écris d’un petit port de pêche…
L’été arrive et avec lui son flot de rêves d’Océan, de vagues et d’écume, de baignade au coucher de soleil et d’aventure dans des lieux encore méconnus. Belle-Île-en-Mer est une destination hors du temps. Parce que l’Histoire l’a traversée plusieurs fois de façon particulière. Toujours convoitée, parfois abandonnée, elle a su retrouver à chacune des époques un nouvel entrain. Sur cette île fascinante, baignée de lumières, Sauzon est un point de départ ou d’arrivée. Au nord-ouest de l’île, située au fond d’une ria, elle pointe son regard vers le continent, vers la presqu’île de Quiberon.
Assise sur la terrasse d’un café, je m’attarde sur cette suite de maisons colorées qui bordent le port.
Le rose sur les murs, le vert des volets, des nuances de bleu sur les portes, tout cet assemblage de couleurs vives éveille un sentiment de bien-être. Mon regard se laisse guider par les lignes du port et les mats des voiliers. Sauzon est vraiment un beau port de pêche et de plaisance.
Le temps est clément. Je sors mon carnet et mes godets d’aquarelle. La terrasse se remplit très vite. Devant moi quelques touristes posent leurs vélos contre un monticule de casiers à pêche. Je bouge ma chaise pour retrouver la vue que j’affectionne.
Et je commence à croquer ce paysage de carte postale.
Où j’ai croisé des pirates…
Mais derrière cette image idyllique se cache une histoire bien tumultueuse. Petit port secret Sauzon a été à plusieurs reprises un refuge pour les pirates !
L’histoire commence après le déclin de l’Empire romain d’Occident. Les pillards Saxons, nom donné aux Anglais par les Bretons, font de Sauzon leur port d’attache pour lancer des opérations de pillage sur le continent.

L’appellation Sauzon viendrait d’ailleurs de Saxons, scellant ainsi le nom de ce port à ses ennemis intimes. Drôle d’idée !
….et des peintres.
Après un temps de rêverie, où mon imagination vogue en mer observer les pirates, je reprends mon pinceau, le gorge d’eau puis l’essuie sur mon chiffon balafré de couleurs.
Un rituel qui me donne l’élan pour sauter vers la feuille blanche. L’eau à marée basse fait écho aux toits bleutés des maisons. Ce parasol rouge pique ma curiosité, je le fixe sur mon croquis.
Belle-Ile-en-Mer a séduit tant de peintres, c’était inévitable. En commençant par Claude Monet venu passer quelques jours en 1886 mais, envoûté par les variations de couleurs de l’île, du ciel et de l’Océan, y restera soixante-quinze. Ce sera là l’objet d’un autre article…

Peindre Sauzon ?
En parcourant les pages des livres d’art sur Belle-Ile, je tombe sur le tableau d’Amédée de la Patellière (1890-1932) « Le port de Sauzon ». C’est une aquarelle de 30×57 cm, d’une collection privée, réalisée en 1923. J’y retrouve cette succession de toits dont la couleur se mêle sensiblement aux bleus du ciel et à ceux du port. Un bateau aux voiles jaunes y joue le premier rôle, drainant notre regard vers une touche ocre à l’intérieur du tableau. Bizarrement les façades des maisons sont blanches. Était-ce un choix du peintre ou le reflet de la réalité de l’époque ?
Je reprends mon carnet. Cette peinture rose , ce jaune pâle sont-ils donc plus récents ?

Mes pensées s’interrompent net. Des odeurs de cuisine alléchantes arrivent sur la terrasse. Je m’aperçois que le temps passé à l’extérieur a aiguisé mon appétit. Je suis restée plus longtemps que prévu.
C’est le moment de ranger le matériel et de partir en quête d’un repas.
Pavé de merlu rôti, mousseline de céleri et sa crème de poivrons. C’est ici, au restaurant ‘La câle’, que je m’abandonne à la pêche du jour.
Un port franc avec la Compagnie des Indes

Quelques heures ont passé et je me replonge dans l’histoire de Sauzon. Surprise, je découvre que Sauzon était devenue, en 1720, un port franc grâce à la Compagnie des Indes. Ses vaisseaux venaient ainsi s’approvisionner en eau douce sur l’île.
Mais rapidement les entrepôts se transformèrent en lieux de contrebande et le roi Louis-Philippe repris le contrôle puis fit aménager le port.
Au final…
Des histoires incroyables se sont donc écrites dans ce port, histoires de pirates, de pêcheurs, de marins, d’aventuriers·es, pour la plupart oubliées, bien que…
Je reviendrai, c’est certain, vers ce temps d’exploration des routes maritimes conduisant à la Chine et à l’Inde, et plus encore. A suivre !